spiritualité: Chrétien africain et la justice.

Publié le par Le Précurseur

 

 

Chrétien africain, comment comprends-tu la justice divine?

 

            L’Abbé Christian revenait un dimanche du village de Kogo où il avait célébré la messe, quand on lui annonça que Christine venait de perdre son fils unique, Vincent. Ce dernier venait à peine d’avoir quinze ans. La pauvre était inconsolable, car huit mois auparavant elle avait perdu son mari. L’Abbé Christian se hâta de ranger sa valise chapelle, puis enfourcha sa moto pour se rendre chez la pauvre veuve. C’est par des pleurs qu’elle l’accueillit, en criant: «’Abbé! Est-ce que c’est juste? Dieu m’a pris mon mari, il vient de me prendre mon unique fils. Je préfère la mort…»

Beaucoup de chrétiens sombrent ainsi dans le désespoir quand le malheur frappe à leur porte. Certains accusent Dieu, comme Christine, d’autres peuvent se demander:«’ai-je fait au bon Dieu?» et se culpabiliser parce qu’ils croient que Dieu les châtie pour leurs péchés. C’est le cas de beaucoup de malades du VIH Sida. Il y en a aussi qui cherchent des boucs émissaires: «’est untel. Je savais qu’il m’en voulait». Il y a tant d’exemples qui montrent que l’on manque de foi en la justice divine ou qu’on la comprend mal. Beaucoup de chrétiens en Afrique ont du mal à abandonner la mentalité ancestrale qui voit en tout malheur un châtiment, pour adhérer à la vision chrétienne. Nous ne sommes pas les premiers à avoir ses difficultés. Dieu a pris beaucoup de temps pour révéler à son peuple sa justice. En essayant de montrer comment Dieu a accepté marcher à tous petits pas, au rythme de l’homme, pour lui révéler sa justice, nous espérons aider les chrétiens de notre contexte africain à s’ouvrir à leur tour à la justice divine, telle qu’elle nous a été révélée par Dieu lui-même à travers sa Parole faite chair, Jésus-Christ.

   

I. L’Ancien Testament: vers la découverte de la justice divine

 

1.             La foi primitive en la justice de Dieu

 

La naissance de toute religion est liée à l’expérience du mal, de la souffrance et de la mort. Toute religion tente de donner une réponse et une solution à ces problèmes que tout être humain rencontre. Le judaïsme et le christianisme ne font pas exception à cette règle. Cependant l’originalité de la foi juive réside dans le fait qu’au milieu d’une multitude de peuples païens adorant plusieurs divinités, Israël se distingue par sa foi en un Dieu unique, tout-puissant, bon, ayant toutes les perfections. C’est ce Dieu qui a créé le monde et qui régit l’univers avec justice et droiture. Comme tous les autres peuples, les hébreux sont confrontés aux fléaux et calamités, à la souffrance, au mal et à la mort. Comment concilier alors tout cela avec la justice de Dieu? Éclairés par la lumière divine, les juifs ne cèdent pas à la tentation de mettre en doute la toute puissance de Dieu ou sa bonté, encore moins sa justice. Pour eux, Dieu qui est juste ne peut être que l’auteur d’un monde parfait. Les deux premiers chapitres de la Genèse ont pour but de défendre Dieu de tout ce qui semble remettre en cause sa justice. Les malheurs du monde sont la conséquence du péché. Dieu a créé les hommes et leur a donné une loi. L’observance de cette loi entraîne la bénédiction, la désobéissance amène la malédiction. Telle est la conception de la justice divine qui est au cœur de l’Ancien Testament.

Les juifs découvrent d’abord, sous l’inspiration divine une justice collective et temporelle. Elle est collective parce que les péchés de certains retombent souvent sur l’ensemble: le péché d’Adam et d’Ève retombe sur eux et sur toute leur descendance (Gn 3). Dans le livre de Josué, les habitants de Aï infligent une défaite à Israël. Le sort désigne Akân comme coupable. Il avait pris ce qui était voué à l’anathème. Il fut tué par lapidation, lui, les siens et son bétail. Et le texte de conclure: «é revint alors de son ardente colère.» (Jos 7, 26 et tout le chapitre) La justice divine est aussi temporelle parce que les récompenses et les châtiments divins se limitent à la vie terrestre. Il n'y a pas encore la notion de la vie dans l'Au-delà. Quand le peuple, sous la conduite de bons chefs est fidèle, sa destinée temporelle est heureuse. Au contraire, les châtiments se déchaînent dès que la fidélité à l'Alliance fléchit ou disparaît. Dans le livre de l'Exode on trouve un passage qui résume parfaitement cette conception de la justice divine: «é, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité; qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché mais ne laisse rien impuni et châtie les fautes des pères sur les enfants et les petits enfants, jusqu'à la troisième génération.» (Ex  34, 6-7)

 

2. De la justice collective à la justice individuelle

Jusque là Israël formait un peuple et le souci primordial était de préserver l’unité et la stabilité de la nation. L’Exil met fin à l’existence du peuple de Dieu comme nation et détruit l’autorité royale, les liens sociaux et familiaux. Tout cela, en plus de l’interruption du culte extérieur crée des conditions favorables à une conception plus individuelle et spirituelle de la vie religieuse, favorisée par la longue expérience qu’Israël a de Dieu. C’est dans ce climat que les prophètes, conduits par l’Esprit Saint, vont annoncer une nouvelle èreoù «ne dira plus: “les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils en grincent.’’ Chacun mourra pour sa propre faute; tout homme qui mangera des raisins verts grincera des dents.» (Jr 31, 29-30) De plus les prophètes proclament que les châtiments divins n'ont pas d'autre but que la conversion du peuple «du Seigneur Yahvé: prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant? N’est-ce pas plutôt à le voir se détourner de sa conduite pour retrouver la vie?» (Ez 18, 23) Ainsi, avec les prophètes, nous avons franchi un pas de plus dans la connaissance de la justice divine. A leur suite, les Sages (particulièrement Proverbes et Siracide) vont exhorter Israël à la fidélité à Yahvé car «à qui craint le Seigneur, il n’arrive aucun mal.» (Si 33, 1) «et sang, querelles, épée, calamités, famines, ruines, fléaux, tout cela a été créé pour les impies.» (Si 40, 9-10) Mais cela se vérifie-t-il dans les faits?

 

 

3. Le juste n'est pas épargné par la souffrance sur terre

 

  Le livre de Job bouscule sérieusement les conceptions traditionnelles sur la justice divine. Il montre qu'elle n'agit pas comme on le pensait, en comblant les justes et en châtiant les méchants sur terre. Partout dans le monde, on voit des méchants prospérer et «rigueurs de Dieu les épargnent.» (Jb 21, 9) Partout  on voit aussi des justes mourir sans avoir goûtébonheur. (Jb 21, 25) Le livre de Job nous annonce une bonne nouvelle: la justice divine n'est pas une justice vindicative qui châtie les hommes pour les obliger à lui obéir. Par conséquent ceux qui le suivent doivent le suivre gratuitement sans attendre de récompense immédiate, sachant que Dieu ne peut être injuste, même s'ils ne comprennent pas cette justice. Malgré ces avancées, le livre de Job ne donne pas réponse à toutes les questions du croyant sur la justice divine. A quand la récompense des justes et le châtiment des méchants?

 

            4. Récompense et châtiment dans L'Au-delà

 

Jusque là pour Israël tout se limitait à la vie ici-bas. C’est avec la persécution des Israélites qu’apparaît pour la première fois l’idée d’une résurrection des corps suivie d’une récompense éternelle: «heureux ceux qui meurent de la main des hommes, avec l’espérance qu’ils tiennent de Dieu d’être ressuscités par lui.» (2 M 7, 14) L’on se demandait comment Dieu pouvait être juste alors que sur terre bons et méchants semblent souvent être traités de la même manière. Maintenant l’on sait que la sanction des actes ne s’opère pas sur cette terre, qui n’est qu’un lieu de passage. C’est par delà la tombe que se fera le compte des péchés. Dieu avait parlé à nos pères d’une manière qui restait encore voilée. C’est par son Fils qu’il va révéler pleinement sa justice au monde.

 

 

II. Jésus Christ, manifestation de la justice miséricordieuse de Dieu

 

1- Dieu fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons

 

Jésus par ses paroles et  ses actes vient confirmer ce qui avait été révélé à nos pères. Le peuple d’Israël avait découvert peu à peu que Dieu n’était  pas un juge vindicatif. Jésus le confirme: «vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.» (Mt 5, 44-45) Aujourd’hui beaucoup d’hommes se révoltent contre Dieu parce qu’ils lui attribuent les malheurs qui les frappent: «’ai-je fait à Dieu pour mériter  cela?» entend-on souvent. Les disciples avaient posé à Jésus la même question en voyant l’aveugle-né: «-ce lui qui a péché ou bien ses parents?» (Jn 9, 2-3) Jésus avait répondu: «lui ni ses parents». Gardons-nous donc de rechercher une explication des malheurs en les considérant comme des châtiments de Dieu. Nous prêtons ainsi à Dieu de fausses intentions et défigurons sa bonté

 

2. Mais pourquoi Dieu laisse-t-il subsister le mal

 

Quand nous lisons la réponse de Dieu aux questions de Job, nous restons sur notre faim. Nous avons l’impression que Dieu a refusé de répondre. Jésus adopte la même attitude dans l’évangile. Quand on lui apprit que Pilate avait fait massacrer des gens qui offraient un sacrifice au temple, il se contenta de répondre:«-vous que pour avoir subi un tel sort ces gens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres? Mais si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous pareillement.» (Lc 13, 3-5) Dieu refuse de donner une réponse intellectuelle, rationnelle à nos questions sur sa justice. C'est une manière de nous signifier qu'elle dépasse notre entendement humain. Yahvé dit à Job: «ù étais-tu quand je fondais la terre? Parle, si tu as tant d’intelligence». Dieu est infiniment grand et intelligent, ses desseins sont insondables. L'homme est peu de chose devant lui pour prétendre et comprendre tout cela.

 

Aucune explication rationnelle ne peut prouver la justice divine, car elle est comme un immense engrenage dont nous ne voyons qu’une infime partie; et nous ne saurons à partir de cette infime partie expliquer la totalité du mécanisme.

La foi est donc le seul moyen permettant de donner un sens au mal, à la souffrance et à la mort, bref, à tout ce qui semble Jusque là pour Israël tout se limitait à la vie ici-bas. C’est avec la persécution des Israélites qu’apparaît pour la première fois l’idée d’une résurrection des corps suivie d’une récompense éternelle: «ceux qui meurent de la main des hommes, avec l’espérance qu’ils tiennent de Dieu d’être ressuscités par lui.» (2 M 7, 14) L'on se demandait comment Dieu pouvait être juste alors que sur terre bons et méchants semblent souvent être traités de la même manière. Maintenant l'on sait que la sanction des actes ne s'opère pas sur cette terre, qui n'est qu'un lieu de passage. C'est par delà la tombe que se fera le compte des péchés. Dieu avait parlé à nos pères d'une manière qui restait encore voilée. C'est par son Fils qu'il va révéler pleinement sa justice au monde.

            La passion – mort – résurrection du Christ est déjà un prélude à la manifestation totale de la justice divine à la fin des temps. Jésus vient ainsi confirmer l’espérance en la Résurrection déjà annoncée dans l’Ancien Testament. Il nous trace le chemin pour surmonter ce qui semble contraire à la justice divine et il nous donne en même temps la garantie de la victoire finale.

 

Conclusion

 

Chrétien d’aujourd’hui, comment conçois-tu la justice divine? A quelle étape de sa compréhension es-tu parvenu? Lis toujours ta vie, et surtout les événements malheureux à la lumière de la Parole de Dieu pour grandir dans la connaissance de la Justice divine.

 

Ernest OUOBA

7e Année

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